Point de vue | PISA : les vulnérabilités humaines de l'éducation
Les résultats du classement PISA, qui ont été rendus publics hier, révèlent une diminution du niveau des élèves français, en particulier en mathématiques. Au-delà de l'impact de la pandémie, cette baisse soudaine de niveau s'explique principalement par le manque d'engagement des parents et parfois des enseignants.
Par Guillaume Prevost, qui occupe le poste de Délégué général de l'organisation VersLeHaut.
Comme cela arrive fréquemment, le débat sur l'éducation se focalise sur les mauvais aspects. Les disputes ont alimenté les controverses et les personnes agitées, certaines pour blâmer les pédagogues qui auraient ruiné l'excellence de l'école, d'autres pour dénoncer la destruction néolibérale d'une école qui serait soumise à la concurrence et aux intérêts capitalistes.
Les disputes obsolètes ne reflètent pas correctement la situation de l'école, les besoins des jeunes et les inquiétudes des familles. Depuis la création de PISA, les différents gouvernements ont essayé de rétablir, reconstruire ou refonder l'école, mais n'ont pas réussi à avoir un réel impact.
Entre 2012 et 2022, tous les pays étudiés ont connu une baisse de leur niveau. Seuls neuf pays ont réussi à maintenir des résultats stables, notamment le Japon et l'Estonie. La France, quant à elle, a obtenu des résultats moyens dans tous les domaines : proches de la moyenne en 2012, ils sont restés similaires en 2022 après une baisse qui correspond à celle de la moyenne des pays étudiés (-21 points contre -22 points). Par exemple, la baisse est encore plus importante en Allemagne et aux Pays-Bas.
Effondrement généralisé
Selon cette perspective, les résultats du PISA sont moins inquiétants pour la France que ceux de l'enquête TIMMS en 2020, qui ont montré que les élèves français étaient bien en retard par rapport à leurs homologues européens, ou même que les évaluations récentes en 4e année, qui révèlent que 20 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture, écriture et calcul après 10 ans de scolarité. Contrairement aux idées préconçues, la France diminue même l'impact du niveau socio-économique des élèves sur leurs résultats, alors qu'il avait considérablement augmenté entre 2003 et 2012.
Le phénomène ne se limite donc pas uniquement aux foyers : comment peut-on expliquer cette diminution générale dans plus de 80 pays ? Bien que l'impact du Covid soit indéniable, il ne peut pas à lui seul expliquer l'ampleur de cette baisse, dont les signes annonciateurs remontent à 2018.
En outre, il convient de prendre en considération:
L'éducation en France : est-ce que le pays se dirige vers un moment décisif avec les résultats du "choc Pisa" ?
Les mesures annoncées par Gabriel Attal pour améliorer le niveau des étudiants dans le classement Pisa.
L'enquête soulève des points importants que nous ne devrions pas négliger. Selon l'OCDE, il y a trois éléments qui distinguent les systèmes éducatifs les plus performants : l'utilisation d'outils numériques spécifiquement conçus pour l'apprentissage, le soutien des enseignants envers leurs élèves et l'engagement des familles dans l'éducation de leurs enfants.
Le soutien des parents est mis en avant dans cette enquête. Elle met en évidence les effets néfastes de l'utilisation des smartphones, qui perturbent les élèves dans leur apprentissage et provoquent de l'anxiété. Même plus de 5 ans après l'interdiction des téléphones portables dans les collèges, 30% des jeunes français avouent être constamment distraits par les appareils numériques qu'ils utilisent en classe. Les résultats de l'enquête montrent clairement que certains pays utilisent le numérique de manière bénéfique pour les apprentissages, tandis que dans d'autres pays il constitue un obstacle inquiétant à la concentration des élèves.
Voici également une critique sur la nécessité de limiter l'utilisation des écrans chez les enfants, afin de leur permettre de vivre une enfance épanouie.
Les enfants les plus jeunes passent trop de temps devant les écrans, ce qui dépasse les recommandations.
De plus, contrairement à une idée répandue, le soutien des parents envers l'apprentissage de leurs enfants a diminué au fil du temps. Seulement 24% des élèves français fréquentent des établissements où au moins la moitié des parents se préoccupent des résultats de leurs enfants. Cette proportion, en baisse significative par rapport à 2012 (-12 points), place les familles françaises en dernière position. Cependant, les résultats montrent que l'implication des parents est un facteur clé de la réussite des élèves, en particulier pour les élèves défavorisés, comme le démontrent les pays moins riches.
Niveau d'enseignement
En ce qui concerne la qualité de l'enseignement, il est important de noter que les enseignants français ne soutiennent que faiblement leurs élèves. Seulement 63% des élèves français affirment que leur enseignant était disponible pendant la crise sanitaire, ce qui est 4 points de moins que la moyenne des pays de l'OCDE. De plus, moins de 10% des élèves ont été interrogés quotidiennement ou presque par une personne de leur établissement, tandis qu'au Japon ce chiffre s'élève à plus de 27%. La France se classe également parmi les pays où les chefs d'établissement estiment que le manque d'enseignants perturbe le plus la qualité de l'enseignement, avec un écart de plus de 20 points par rapport à la moyenne de l'OCDE.
En conclusion, la France se montre en retrait sur les 3 critères qui déterminent la résistance d'un système éducatif. Au-delà de la gestion de la crise sanitaire, cette idée est d'autant plus intéressante car elle met en évidence l'importance des apprentissages durables et de la capacité des jeunes à trouver les ressources nécessaires pour construire leur parcours. En dehors de la question du redoublement et des groupes de niveaux, qui suscitent les controverses entre excellence et égalité, il est probable que l'école française ait beaucoup à apprendre des systèmes éducatifs les plus performants sur le plan humain.
Guillaume Prévost occupe le poste de délégué général au sein de l'organisation VersLeHaut.
Guillaume Prévost est l'auteur
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