Suite au procès en antitrust de Google, Olivier Bomsel et Rémi Devaux, économistes, ont observé attentivement le déroulement de l'affaire pour le compte des "Les Echos". Bien que le verdict ne soit pas prévu avant 2024, la société doit maintenant se préparer pour les autres procès qui l'attendent.
Par Olivier Bomsel, qui est enseignant en économie à Mines ParisTech, et Rémi Devaux, économiste spécialisé dans l'économie des médias à la Chaire Mines Paris.
Le procès intenté par le gouvernement américain contre Google pour monopole a pris fin il y a plus de deux semaines. Le juge Metah, qui doit rendre son verdict en mai 2024, reconnaît qu'il ne sait pas encore quelle décision prendre. Bien que l'affaire se déroule dans un relatif silence médiatique, car les regards sont tournés ailleurs, Google est accusé d'abus de monopole dans de nombreux marchés liés à la recherche en ligne, tels que la publicité ou les applications mobiles. Le procès contre Epic Games est considéré comme emblématique dans ce domaine.
Dans le domaine des affaires économiques, le juge évalue les résultats. L'objectif de la législation antitrust est de promouvoir les bénéfices de l'activité des entreprises tout en limitant les problèmes causés par une domination excessive sur les marchés. Dans le cas de Google, le monopole obtenu grâce à des accords d'exclusivité a des conséquences contradictoires. D'un côté, ces accords ont permis à Google de développer le moteur de recherche le plus performant du marché, ce qui est indéniablement bénéfique pour la société dans son ensemble.
D'un côté, en monopolisant la grande majorité des requêtes mobiles et en dépensant des sommes considérables chaque année, la société a réussi à contrôler le marché et à bloquer tous les accès qui lui sont associés. Cela a causé d'énormes préjudices aux concurrents, aux clients (publicitaires et éditeurs) et à l'innovation.
Il incombe au juge de décider si les avantages du monopole l'emportent durablement sur les coûts, et si le jeu en vaut vraiment la peine. Cependant, au cours des quarante dernières années, la politique antitrust américaine a souvent privilégié le bien-être du consommateur au détriment des effets de distorsion de la concurrence. Cependant, il est important de ne pas sous-estimer les conséquences potentielles de cette approche.
Également à lire:
Analyse – Google, un monopole destructeur.
Article: Procès Google : un moment décisif
—
Texte:
Dans le procès qui
Google ne court pas vraiment de risques en ce qui concerne son moteur de recherche. Il est difficile de démanteler cette activité en raison de l'importance des économies d'échelle. Il n'est pas possible de diviser le marché de la recherche en ligne en fonction des pays ou des interfaces des terminaux. Cependant, une condamnation pour abus de position dominante dans le domaine de la recherche pourrait avoir un effet en cascade sur les marchés connexes, tels que la publicité en ligne, le logiciel Android, les applications Maps, Waze, etc.
Google se retrouve impliqué dans d'autres problèmes judiciaires. À peine le procès concernant la recherche est-il terminé qu'un autre commence : celui qui oppose Google à l'éditeur de jeux Epic Games (Fortnite, Rocket League). Epic Games reproche à Google de prélever une commission de 30 % sur les achats effectués via sa plateforme de téléchargement d'applications Play Store. Étant donné que le système de paiement de Google est le seul proposé aux utilisateurs, Epic Games affirme qu'il s'agit d'un abus de position dominante.
Tout comme lors du premier procès, les documents fournis par la justice montrent une bataille intense entre les plaignants. En effet, certains éditeurs (comme Epic, Activision et Blizzard) envisagent de créer leur propre boutique d'applications pour faire face aux commissions de vente qui réduisent leurs bénéfices. Google craint alors de voir apparaître de plus en plus d'alternatives au Play Store. Cela entraînerait une perte financière considérable, car chaque transaction effectuée en dehors du Play Store ne serait pas soumise aux 30 % de commission et une concurrence sur ce marché ferait inévitablement baisser les taux de commission.
Il est dit que Google aurait payé environ 575 millions de dollars aux éditeurs afin de les décourager de créer leur propre magasin d'applications. De plus, Google est accusé d'avoir conclu des accords de partage des revenus avec les fabricants d'équipements, en échange de leur promesse de ne pas préinstaller de magasins d'applications tiers sur leurs téléphones mobiles. Cette situation est similaire à des épisodes antérieurs.
Conséquences en chaîne
Le procès États-Unis contre Google a désormais un enjeu majeur. C'est un peu comme le premier épisode d'une série. Si Google est reconnu coupable d'avoir abusé de son monopole dans le domaine de la recherche, cela aura un impact sur les autres procès dont les verdicts seront rendus ultérieurement. En effet, si une entreprise est condamnée pour avoir verrouillé son marché principal, cela soulève immédiatement des soupçons quant à ses activités connexes. Surtout que les pratiques en question se retrouvent d'un dossier à l'autre, comme le montre l'affaire Epic Games.
Pour aller plus loin:
ANALYSE – Google, qui a atteint l'âge de 25 ans, se retrouve confronté à des obstacles inédits.
Google dévoile Gemini, sa solution en réponse à GPT-4 d'OpenAI.
Ensuite, il est important de souligner que la recherche en ligne impacte tous les secteurs du marché. Prenons l'exemple d'Android. Ce système d'exploitation est vendu à un prix bien inférieur à son coût de production car il bénéficie de subventions provenant des revenus générés par la recherche mobile. On peut considérer cela comme une forme de prédateur, car c'est ainsi que Google étend son monopole sur la recherche mobile au-delà de ses accords avec Apple. Si ces accords sont jugés illégaux, Android sera également remis en question. De plus, la régie publicitaire AdSense, qui affiche des bannières publicitaires sur les pages web, fait également l'objet de pressions de la part du Department of Justice dans une autre affaire. Elle est accusée, entre autres, d'avoir utilisé la dépendance des éditeurs et des annonceurs à la recherche pour imposer ses outils de publicité sur l'affichage.
Par conséquent, il est probable que si Google trouve le résultat de recherche, les saisons ultérieures de la série ne feront qu'empirer et accélérer ses problèmes.
Olivier Bomsel et Rémi Devaux sont deux économistes qui travaillent pour la Chaire Mines Paris en économie des médias. Ils ont également écrit un livre intitulé "Le Nouveau Western – Comment les géants du web peuvent-ils être contrôlés ?" qui a été publié par les éditions Cherche-Midi.
Les auteurs de cet article sont Olivier Bomsel et Rémi Dev
Quels sont les moyens pour s'adapter dans un environnement complexe ?
Nos vidéos
Après un an de rénovation, la croix de Notre-Dame de Paris a été remise en place.
Kim Jong-un implore les femmes nord-coréennes d'avoir plus d'enfants.
Des centaines de chauffeurs ukrainiens sont toujours bloqués à la frontière polonaise.
Un avion militaire américain qui pourrait révolutionner les tactiques de guerre.
Les articles les plus lus
Opinion | La technologie : une guerre entre la Chine et l'Occident sur tous les fronts ?
Opinion | Prolonger la durée de scolarité pour de meilleurs résultats.
Opinion | L'école, une machine qui renforce les inégalités.
En première page
Stellantis propose une augmentation salariale de plus de 4 % à ses employés.
Le gouvernement cherche à atténuer l'impact financier des congés payés en cas d'arrêt maladie pour les entreprises.
Les collectivités locales sont réticentes à accorder la prime de pouvoir d'achat.
Cercle
Procès Google : déjà la deuxième saison.
Opinion | Le reporting ESG : un atout caché au sein des entreprises durables ?
Opinion | Réduire les délais de paiement à trente jours.
Pratique
Services
La Formation
Tous les droits sont réservés – Copyright Les Echos 2023.






