Point de vue | Accord Mercosur : un danger concret pour l'agriculture française ?
Selon Hervé Guyader, l'accord conclu entre l'Union européenne et le Mercosur en 2019, mais non encore approuvé par la France, n'est actuellement pas une menace pour l'agriculture française. Cependant, pour continuer le processus, il est nécessaire de l'enrichir en y ajoutant des clauses spécifiques qui garantissent l'application de normes strictes aux importations sud-américaines.
Selon Herve Guyader, qui est le président du CFDCI, il est important de prendre
La première étape de la mise en place du commerce international se fait généralement à travers une analyse approfondie, qui aurait certainement été approuvée par David Ricardo. En prenant en compte les particularités de chaque zone économique, il est important de se demander si la France bénéficierait de débouchés d'exportation en signant un accord de libre-échange qui faciliterait l'importation de certaines productions étrangères.
Les agriculteurs ont depuis longtemps le sentiment d'être négligés dans des traités qui semblent favoriser l'industrie automobile, l'industrie chimique, les fabricants de trains, les fabricants de produits textiles, l'industrie du luxe… en bref, tout le monde, mais rarement les agriculteurs. Si l'on élargit la réflexion, il est possible de considérer que l'exportation de voitures ou de produits chimiques allemands, par exemple, est la conséquence de l'importation de viandes et d'autres céréales étrangères qui se fait au détriment des producteurs français.
Admettons la vérité. Bien que la France soit reconnue mondialement pour sa gastronomie de premier ordre, basée sur une agriculture de très haute qualité, il est indéniable que le consommateur français qui ne fréquente pas les restaurants étoilés est constamment tenté par une offre de produits alimentaires étrangers moins chers que les nôtres lorsqu'il fait ses courses.
Mélange de règles
La déformation des règles applicables crée une concurrence inéquitable qui ne profite jamais au français. Même si nos produits sont objectivement meilleurs, ils sont surtout beaucoup plus chers et donc peu attrayants en période d'inflation. L'accumulation de règles applicables, spécifique à la France, atteint ici un niveau alarmant. Personne ne conteste le principe de sécurité alimentaire, ni même notre attachement à la préservation de la nature, à la qualité de l'air ou de l'eau. Qui voudrait vivre sur un sol pollué ?
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Cependant, les règles concernant la santé des animaux (comme le contrôle de l'utilisation des antibiotiques) et les règles phytosanitaires (comme l'interdiction des pesticides) combinées avec les règles environnementales, forment un ensemble difficile à suivre pour les agriculteurs. Il n'est pas nécessaire de comparer nos normes avec celles de nos partenaires sud-américains pour comprendre l'écart concurrentiel. Il suffit de regarder en Allemagne pour constater que nos amis allemands ont parfois des normes environnementales moins exagérées.
La France est en tête en ce qui concerne les règles environnementales, un titre dont on pourrait se réjouir s'il n'avait pas de conséquences désastreuses. En effet, la protection de la planète semble parfois se faire au détriment des agriculteurs qui nourrissent pourtant la population. Il suffit d'ajouter les actions de certains militants se proclamant fièrement "éco-terroristes" qui s'opposent à tout projet de construction ou d'agrandissement de bâtiments agricoles, même sans avoir trouvé un trèfle à quatre feuilles au centre de la parcelle concernée, pour comprendre le malaise dans le secteur agricole.
Les agriculteurs ont tout à fait raison d'être inquiets face à un accord avec le Mercosur qui entraînerait l'importation de quotas de viande à un prix de vente beaucoup plus bas que celui des normes européennes, ce qui pourrait être considéré comme du dumping. Il suffit de regarder l'exemple de l'Argentine pour comprendre que leur modèle productiviste favorise les OGM et le glyphosate. Depuis l'an 2000, les petites exploitations ont disparu au profit de quelques grands groupes industriels qui exploitent des centaines de milliers d'hectares chacun. L'un de ces groupes, Adecoagro, est même coté en Bourse. En ce qui concerne les fermes bovines, qui sont souvent critiquées en France, elles dépassent généralement les 1 000 vaches dans la région de Buenos Aires, et même davantage dans certains cas.
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Néanmoins, il y a de quoi tranquilliser nos agriculteurs. Dès l'arrivée des dirigeants sud-américains dont les politiques étaient un mélange de populisme, de baisse des normes et de destruction de l'environnement, la France a immédiatement arrêté le processus, ce qui confirme l'idée selon laquelle on ne peut pas établir de partenariat commercial international sans y associer des valeurs solides.
Depuis ce moment-là, la France persiste à refuser d'approuver le texte qui a été adopté en 2019 et insiste sur la nécessité de clauses robustes pour protéger le climat ainsi que les normes sanitaires. Il n'est pas envisageable d'accepter un accord qui mettrait en danger l'agriculture française et la santé des citoyens français !
Clause de réciprocité
Il est essentiel de signer ces clauses de réciprocité, parfois appelées clauses miroirs, car cela constitue l'avantage des nouveaux accords de libre-échange qui vont au-delà de l'exemption des droits de douane pour les quotas de marchandises. Ces accords établissent désormais les normes que ces marchandises doivent respecter. En imposant des normes sanitaires et environnementales aussi strictes que celles en vigueur en Europe, les règles de concurrence seraient rééquilibrées. Ainsi, les consommateurs français pourraient choisir des produits alimentaires nationaux sans subir de conséquences financières négatives.
Le gouvernement pourrait annoncer des mesures visant à simplifier les procédures administratives, ce qui pourrait également entraîner une réduction de certaines normes environnementales. Ces normes ont souvent été utilisées pour accuser les agriculteurs d'être responsables des problèmes écologiques, selon les écologistes parisiens. Les sondages montrent un soutien important des Français envers les agriculteurs, ce qui oblige certains militants à mettre de côté leur arrogance et à soutenir la même cause.
Si vous proclamez le droit à la paresse et que vous le criez à ceux qui se lèvent tôt et exercent un métier difficile, vous contribuerez à créer une division entre les paysans et les défenseurs de la nature, les écologistes.
Hervé Guyader occupe le poste de président au sein du Comité français pour le droit du commerce international (CFDCI).
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