Analyse | Le retour de l'ISF, est-ce vraiment envisageable ?
Les projets du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire incluent la réintroduction de l'impôt de solidarité sur la fortune. Qui serait concerné par cette mesure ? Comment serait-il mis en place ? Quels obstacles principaux faudrait-il surmonter ? Trois avocats se penchent sur la question.
Lorsqu'on regarde les programmes des partis politiques souvent classés comme "extrêmes", il est évident qu'ils ont des positions très divergentes sur les questions fiscales, sauf pour une seule, la possible réintroduction de l'ISF, qui serait rendu plus fort pour accroître ses rendements. Comment cela pourrait-il se concrétiser ? Voici la réponse en quatre points.
À partir de l'année 2025
Quand est-ce que cela pourrait entrer en vigueur ? Pour que l'ISF soit rétabli, il faudrait que le gouvernement propose une mesure dans une loi de finances ou qu'un amendement parlementaire soit adopté.
La base de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), tout comme celle de l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), était composée des biens détenus par les contribuables au 1er janvier de chaque année. Ainsi, si cette réforme était adoptée dès maintenant, elle ne prendrait effet qu'à partir de l'année 2025.
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En général, l'introduction d'un nouvel impôt ou la réintroduction d'un impôt existant est une tâche assez compliquée du point de vue de l'administration, comme nous l'avons constaté lors de la mise en place de l'ISF ou de l'IFI. Par conséquent, l'administration fiscale serait fortement sollicitée si cet impôt devait être collecté l'année prochaine.
Est-ce que cela s'applique aux Français vivant à l'étranger ? Il pourrait être possible de l'appliquer, du moins en partie, aux Français qui habitent en dehors de la France. Cependant, la France a conclu des accords fiscaux avec 57 Etats pour éviter la double imposition. Selon ces accords, la France ne peut taxer que les biens immobiliers situés sur son territoire appartenant à des personnes résidant fiscalement dans ces Etats.
En réalité, pour beaucoup de nos compatriotes résidant à l'étranger, le retour de l'ISF n'aurait pas un impact significatif sur leur situation actuelle.
Par conséquent, leurs possessions telles que leur argent ne sont pas soumises à l'impôt en France. En réalité, pour beaucoup de nos compatriotes résidant à l'étranger, le rétablissement de l'ISF n'aurait pas un impact majeur sur leur situation actuelle.
5 milliards d'euros
Est-il possible d'augmenter considérablement les recettes de cet impôt ? Certains ont suggéré qu'il pourrait être possible de multiplier par trois les recettes de l'ISF, qui s'élevaient à 5 milliards d'euros, en comblant certaines failles.
Au départ, l'objectif principal était de permettre aux biens professionnels d'être exemptés d'impôts, y compris les parts détenues par les contribuables dans les entreprises où ils exercent leurs activités. Cette décision avait été prise afin d'éviter que ces personnes ne déplacent leur activité et, par conséquent, leur domicile fiscal à l'étranger. Cependant, ce risque persiste, surtout dans une économie de plus en plus numérique. Le déplacement des actifs concernés par cette mesure pourrait donc entraîner une baisse des revenus attendus de cette mesure.
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Parfois, on parle également de l'exonération accordée aux objets d'art et de collection. Cette décision n'a pas été prise pour plaire à un Premier ministre, mais parce qu'il est extrêmement complexe pour l'administration fiscale de déterminer la valeur des patrimoines composés d'oeuvres d'art et de collection. Estimer de manière réaliste ces biens est tout aussi difficile, et cette mesure risquerait d'avoir un impact sur le marché de ces objets. Par conséquent, il est peu probable que cela entraîne des rentrées fiscales significatives.
Deux problèmes
Comment décider du taux d'imposition à appliquer ? Le montant de l'impôt dépend à la fois de la base imposable, qui peut être élargie, et du taux appliqué. Il peut être tentant d'augmenter le barème de l'impôt et d'envisager un taux maximum sensiblement plus élevé que celui actuel ou passé (1,5 %). Cependant, cette idée se heurte à deux problèmes.
En premier lieu, il est largement accepté que l'impôt sur le patrimoine devrait être payé en fonction des revenus qu'il génère, sauf s'il devient excessif. Cependant, il est clair que, même avec l'augmentation des taux d'intérêt, les personnes possédant un patrimoine ont une capacité contributive limitée, surtout lorsque leurs revenus sont déjà soumis à l'impôt lors de leur réception.
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De plus, le Conseil constitutionnel a établi qu'il y a une limite à ne pas dépasser en ce qui concerne la somme des impôts sur le revenu et sur le patrimoine, qui est généralement fixée à environ 75 % des revenus. Cette décision entraîne une limitation du rendement de l'impôt sur le patrimoine, qui peut lui-même être limité, comme cela s'est déjà vu par le passé. Cela représente clairement une restriction quant aux attentes de rendement de cet impôt.
Il est important de noter que l'augmentation d'un nouvel impôt se fait généralement de manière progressive, comme le montrent les expériences passées. Il ne faut pas s'attendre à des résultats miraculeux. En fin de compte, cette mesure semble plutôt être un symbole politique qui pourrait entraîner des conséquences graves. Il ne faut pas la considérer comme une solution miracle pour combler le déficit des finances publiques ou pour financer de nouvelles dépenses sans limites.
Les avocats Eric Ginter, Eric Chartier et Julien Bellet sont partenaires au sein du cabinet Altitude Avocats.
Les noms des personnes sont Eric Ginter, Eric Chartier et Julien Bellet.
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