La visite de Vladimir Poutine en Corée du Nord : une question de bons intérêts ou de dernier recours. Malgré sa réputation ternie par ses anciens partenaires du G8 et sa mise en accusation par la Cour pénale internationale, le président russe cherche à renforcer ses relations avec Pyongyang, notamment sur le plan stratégique et militaire, selon Sylvie Bermann.
Écrit par Sylvie Bermann, une ancienne ambassadrice ayant travaillé à Pékin, Londres et Moscou.
Il s'était écoulé longtemps depuis la dernière visite de Vladimir Poutine en Corée du Nord. En effet, cela remonte à l'été 2000, juste avant un sommet du G8 à Moscou, où le président russe était apparu aux côtés de ses homologues. Cette absence de rencontres entre les deux dirigeants et leurs pays respectifs montre qu'ils n'avaient pas de relation particulière.
Près de vingt-cinq ans plus tard, le conflit en Ukraine est devenu la principale préoccupation, avec Vladimir Poutine, désormais isolé par ses anciens alliés du G8 et confronté à des accusations devant la Cour pénale internationale, ce qui restreint ses déplacements à l'étranger.
Afin de faire face aux sanctions occidentales et à la pénurie d'armements et de main-d'oeuvre dans les usines fonctionnant en continu, la Russie a donc vu la nécessité de mettre en place un partenariat stratégique et une alliance militaire.
En juin 2024, une visite officielle à Pyongyang était prévue, marquant ainsi une étape importante dans les relations entre les deux pays. Des signes de rapprochement avaient déjà été observés, notamment avec la présence de l'ancien ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, aux célébrations du soixante-dixième anniversaire de l'armistice de Panmunjon en juillet 2023. De plus, l'accueil chaleureux réservé à Kim Jong-un par Vladimir Poutine à Vladivostok et sur le cosmodrome de Vostotchny en septembre de la même année était un signal fort envoyé à l'Occident.
Le leader autoritaire de la Corée du Nord voit des avantages dans le fait de recevoir une assistance technique pour ses projets nucléaires et de missiles.
Enfreindre les lois internationales
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Moscou ne montre plus aucun scrupule à enfreindre les lois internationales, qu'elle était censée garantir avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité. Les cinq pays avaient mis en place un système de sanctions contre la Corée du Nord, soumis à un contrôle. Cependant, Moscou a opposé son veto au renouvellement de cette mission cette année.
La Chine regarde cette situation avec gêne. Elle ne souhaite en aucun cas une alliance entre Moscou, Pékin et Pyongyang, que ce soit en pratique ou dans l'image que cela renvoie à Washington ou en Europe. C'est pourquoi elle a demandé à Vladimir Poutine de séparer sa visite d'Etat à Pékin en mai de son voyage à Pyongyang, même si les deux villes ne sont qu'à deux heures de vol l'une de l'autre.
De plus, la Chine veut maintenir son rôle de mentor qu'elle a exercé depuis la guerre de Corée. En envoyant des centaines de milliers de "volontaires" chinois, elle a aidé à sauvegarder le régime de Kim Il-sung, tandis que Staline se contentait de fournir du matériel militaire. La Russie a ainsi perdu de son influence au profit de la Chine, qui a gagné la gratitude de la famille Kim. Pékin a continué à soutenir les Kim en leur offrant de l'aide alimentaire, en les protégeant des sanctions trop sévères et en les encourageant à agir avec modération. Cependant, le dernier membre de la dynastie Kim est plus difficile à contrôler.
L'influence modératrice de Pékin s'est manifestée lorsque le nouveau dirigeant a éliminé son oncle, qui était le principal interlocuteur de la Chine. En raison de l'isolement de la Corée du Nord, la Chine a patiemment regagné son rôle crucial. Cela a été démontré lors du dialogue surprenant entre le président Donald Trump et Kim Jong-un, surnommé "Rocket Man". Ce dernier est arrivé à Singapour à bord d'un avion gouvernemental chinois.
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Pékin ne souhaite absolument pas être impliqué dans une nouvelle guerre en Corée, qui pourrait entraîner des réfugiés et la présence de nombreux soldats américains à ses frontières. Pour cette raison, la Chine essaiera de jouer un rôle modérateur pour empêcher les provocations et les actions risquées de Kim Jong-un, afin de préserver une zone tampon.
En ce qui concerne le dirigeant de la Corée du Nord, qui aurait selon Vladimir Poutine imposé à sa population de manger de l'herbe pour financer son programme nucléaire, la possession de l'arme atomique est vitale pour sa survie. Le cas de Kadhafi montre que la dénucléarisation de la région n'est pas une bonne idée. Il est probable que malgré ses provocations envers Séoul et Tokyo, Kim Jong-un est excentrique et imprévisible, mais il n'est pas irrationnel. En utilisant une arme nucléaire, il perdrait sa propre vie et celle de son pays.
Sylvie Bermann a été ambassadrice dans les villes de Pékin, Londres et Moscou.
Sylvie Bermann, une diplomate
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