Est-ce nécessaire de rejeter l'influence d'un passé prestigieux marqué par des inégalités ?
Etienne Wasmer se demande si l'apogée des sociétés ne commencerait pas par une période où la richesse est fortement concentrée.
Écrit par Etienne Wasmer, qui enseigne l'économie à l'université de New York à Abu Dhabi et est professeur associé à Sciences Po.
Une citation célèbre attribuée à Bossuet dit que Dieu se moque des personnes qui se plaignent des conséquences de leurs actions alors qu'elles aiment les raisons qui les ont provoquées. Cette idée peut être appliquée à de nombreuses politiques publiques actuelles.
Nous sommes préoccupés par le manque de logements mais soutenons la régulation de l'offre, qui atteint son point culminant avec le concept de zéro artificialisation nette. Nous sommes attristés par les zones où l'accès aux soins est limité mais maintenons un nombre ouvert d'étudiants admis en deuxième année de médecine, et nous dissuadons les consultations supplémentaires en maintenant les tarifs des consultations en zone 1. L'engorgement des services d'urgence est une conséquence du refus de mettre en place des mécanismes régulateurs tels qu'une franchise minimale. Le refus d'instaurer des péages urbains entraîne des embouteillages sur les rocades, etc.
La réussite des Jeux olympiques de Paris 2024 met en lumière l'idée que souvent, les gens se réjouissent des résultats sans en apprécier les raisons.
Certains critiquent le fait que les pays riches remportent plus de médailles aux Jeux Olympiques. En effet, il s'agit des pays les plus développés économiquement, qui ont mis l'accent sur le commerce, l'ouverture internationale, la compétition et l'effort. Ce constat est également valable pour des pays comme la Chine, la Corée du Sud et le Japon, qui se trouvent également en tête du classement des médailles.
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Le succès de la situation a également été attribué à la mise en place de mesures de sécurité sans précédent pour protéger les personnes, à la présence massive des forces de l'ordre et à la surveillance, même si certaines personnes ont du mal à accepter ces mesures en temps normal. Les restrictions de déplacement, l'importance accordée à l'intérêt commun, comme les voies réservées aux transports prioritaires, étaient des actions critiquées par les plus individualistes il y a seulement un mois.
Conséquences des systèmes inégalitaires
D'autres cas me viennent à l'esprit, plus agréables, car c'est l'été : j'ai aussi été émerveillé par la beauté emblématique des monuments où les compétitions ont eu lieu.
Cependant, à l'exception notable de la Tour Eiffel, les monuments tels que le Louvre, Versailles et l'Arc de Triomphe ont été construits sous des régimes inégalitaires et antidémocratiques. Ces monuments sont associés à des souverains tels que François 1er, Louis XIV et Napoléon, qui ont accumulé d'immenses richesses pour leur propre gloire. Ironiquement, ces richesses finissent par bénéficier à l'ensemble de la population, quelques générations plus tard.
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Est-ce que les pays très égalitaires et démocratiques sont toujours capables de créer des œuvres architecturales impressionnantes qui captivent le monde entier ? D'un côté, on retrouve l'Opéra Bastille. De l'autre, on peut citer la Florence des Médicis, la Russie des Romanov et de Catherine II, la période faste de l'empire Austro-Hongrois au XIXe siècle, le New York du XXe siècle, ainsi que les grandes tours du Moyen-Orient et de l'Asie, notamment en Chine et à Singapour. Serait-il possible que l'âge d'or des sociétés commence avec une concentration extrême de la richesse ?
La population défavorisée de ces pays ne ressentait pas de bonheur en voyant la grande richesse affichée et les inégalités actuelles ont un impact négatif sur le bien-être. Cependant, il ne faut pas minimiser l'impact des héritages du passé sur les classes moyennes.
La présence du château ancien d'un ancien dirigeant local qui a plusieurs siècles augmente la valeur des propriétés environnantes, et mesure de manière objective le plaisir que procure cette vue – cela fait partie des caractéristiques hédoniques. Cela se reflète dans l'indice de bonheur national développé par l'OCDE, et on pourrait envisager, comme le suggère l'économiste Simon Kuznets, une courbe en U inversée du bonheur national brut : faible au départ en raison des fortes inégalités, mais en augmentation à mesure que le sentiment de fierté lié au passé grandit.
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Et que se passe-t-il après ? Est-ce que le niveau de bonheur est destiné à baisser continuellement, en raison de l'oubli, du mépris et de la dévalorisation du passé et de ses trésors par les nouvelles générations désabusées ?
Etienne Wasmer enseigne l'économie à l'Université de New York à Abu Dhabi et est également professeur associé à Sciences Po.
Etienne Wasmer
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