Dans la situation actuelle en Ukraine, il est important que les alliés du pays fassent preuve d'unité et de solidarité face à la brutalité de Vladimir Poutine et aux bombardements russes intensifiés sur les villes ukrainiennes, selon Dominique Moïsi.
Écrit par Dominique Moïsi, expert en géopolitique et conseiller spécial à l'Institut Montaigne.
La ville de Lviv, située à l'ouest de l'Ukraine, a été récemment attaquée par la Russie, située à 70 kilomètres de la frontière polonaise. La guerre s'étend maintenant au territoire russe, avec l'envahisseur se retrouvant lui-même envahi. Cette situation rapproche symboliquement l'Union européenne et l'Otan du conflit.
Les attaques aériennes russes de plus en plus intenses sur les villes ukrainiennes pourraient être la réaction de Moscou à l'humiliation subie de la part de Kiev. Le silence de Poutine avait été inattendu. Les bombardements de plus en plus dévastateurs sur des villes comme Poltava (plus de cinquante morts et trois cents blessés) et Lviv visent à briser le moral retrouvé des Ukrainiens : "Vous avez osé m'humilier en déclenchant la guerre sur mon territoire : je détruis vos villes et fais couler le sang de votre population."
Éviter le conflit avec la Russie
Devant la montée des tensions, les alliés de l'Ukraine doivent définir clairement leurs objectifs et se mettre d'accord. Il semble qu'ils ne soient pas totalement certains de ce qu'ils veulent. Cela vaut notamment pour les Etats-Unis, qui ont été le principal allié de l'Ukraine jusqu'à présent.
Eviter la défaite de Kiev et empêcher la victoire de Moscou ne signifie pas automatiquement garantir la victoire de l'Ukraine. Il semble parfois en Europe que l'objectif principal des Etats-Unis est de préparer le terrain pour une future négociation visant à obtenir une trêve, similaire à celle de 1953 à Panmunjeom en Corée, afin d'éviter tout affrontement direct avec la Russie.
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Est-ce que les États-Unis n'ont pas d'autres priorités, à l'intérieur et à l'extérieur, peu importe le résultat des élections le 5 novembre ? Si Kamala Harris remporte la victoire, est-ce qu'il s'agira d'une approche réaliste mettant l'accent sur la nécessité de réunir la nation face à la menace chinoise ? Ou bien, si Donald Trump gagne, est-ce qu'ils adopteront une politique plus chaotique basée sur l'égoïsme ? Dans les deux cas, la Russie est considérée comme une source de diversion.
La réflexion du côté européen est influencée par divers facteurs tels que la géographie, l'histoire, l'économie et la culture. On pourrait penser que les pays plus proches de la Russie soutiennent davantage l'Ukraine, comme la Pologne, les pays baltes et scandinaves. Cependant, cette idée de proximité géographique est trop simpliste.
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Comment expliquer que la Grande-Bretagne ait adopté dès le début de l'agression russe des positions plus rigoureuses et plus transparentes que l'Allemagne ? L'extrême droite a remporté récemment des élections régionales en Thuringe et a obtenu un très bon résultat en Saxe, tandis que l'extrême gauche a également progressé de manière significative dans ces deux Länders, ce qui suscite légitimement des inquiétudes.
Est-ce que l'est de l'Allemagne observe la guerre en Ukraine avec une certaine distance, voire une volonté de rester neutre, similaire à celle du "Sud global" dans le monde ? Cette comparaison peut choquer, mais elle reflète des émotions similaires, mêlant ressentiment et humiliation. Certains pourraient dire : "Vous ne nous avez jamais traité comme des égaux, alors pourquoi devrions-nous adopter vos priorités ? La Russie n'est pas notre ennemie."
Quelle est la limite à respecter ?
Dans les pays d'Europe de l'Est, il existe une grande diversité de points de vue sur la guerre en Ukraine, allant de la position ferme de la Pologne à la position plus réaliste de la Hongrie de Victor Orban. Certains soutiennent la Russie comme seul vainqueur possible. La France semble actuellement trop absorbée par ses propres problèmes pour mettre à jour ses positions.
Après presque trois ans depuis le commencement de l'attaque russe, la question principale reste inchangée. Dans quelle mesure pouvons-nous soutenir l'Ukraine pour empêcher une victoire de Moscou, sans être impliqués directement dans le conflit ?
Presque trois ans après le début de l'attaque russe, la question principale reste la suivante. Jusqu'où devons-nous aller pour aider l'Ukraine et empêcher une victoire de Moscou, sans nous impliquer directement dans le conflit ?
Un danger à prendre en compte : renforcer la position de Poutine
Poutine n'hésite pas à attaquer des villes ukrainiennes proches de l'Union européenne. Il vise également des cibles civiles et énergétiques dans toute l'Ukraine. Son objectif est de forcer le peuple ukrainien à se soumettre, afin qu'il finisse par accepter les conditions de paix imposées par Moscou. Pour contrer la stratégie russe, il est crucial de permettre à l'Ukraine d'utiliser les armes occidentales dont elle dispose pour frapper les bases russes à l'origine des attaques de plus en plus meurtrières.
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Le processus de renforcement progressif comporte des risques, mais ne pas permettre à l'Ukraine de se défendre pourrait être encore plus préjudiciable à long terme. Cela pourrait entraîner un affaiblissement de l'Ukraine et nous amènerait à accepter la défaite de notre allié. Cela confirmerait ce que la Russie de Poutine affirme depuis longtemps : "L'Occident ne peut plus garantir notre protection". La seule autre option serait une intervention directe de dernière minute aux côtés de Kiev, avec tous les dangers d'une escalade incontrôlée que cela implique.
Opposition entre la clarté de la vision russe et les divergences occidentales
Il y a une nette différence entre les divergences de positions occidentales sur l'Ukraine, presque comme des variations musicales, et la vision claire et directe de la Russie de Poutine. Cette clarté reflète la vision du monde de Poutine, qui aspire à ce que la Russie soit au centre d'un monde multipolaire et équitable dans trente ans. Il estime que dans ce monde, l'Occident ne pourra plus imposer sa volonté et sera marginalisé.
La Russie espère que le monde comprendra, voire sera bienveillant, dans un contexte où la force prévaut sur le droit. La Russie mise sur la compréhension, voire la bienveillance, d'un monde où la force prime sur le droit.
À Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie, un dirigeant membre de la Cour internationale de justice a été accueilli avec les honneurs, malgré le fait qu'il aurait dû être arrêté. Des attaques ont eu lieu à Poltava et Lviv. Est-ce que cela ne résume pas parfaitement la situation actuelle ? La Russie mise sur le soutien de la force plutôt que sur le respect du droit dans un monde où la violence prime.
Il est important que les alliés de l'Ukraine restent unis et solidaires face aux intentions claires de Poutine. Cependant, malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.
Dominique Moïsi est un expert en géopolitique.
Personne: Dominique Moï
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