Point de vue | Le fait d'être entièrement numérique ne signifie pas être économe
Il est devenu courant de dématérialiser ses documents ou messages dans le but de réduire son empreinte carbone. Cependant, il est important de souligner que l'accumulation de ces données n'est pas insignifiante, car elles ont un coût énergétique non négligeable, expliquent Vivien Brunel et Jérôme Deroulez.
Il est important de prendre soin de notre planète, donc n'imprimez cet e-mail que si c'est vraiment nécessaire. En d'autres termes, bien que le plastique ne soit pas idéal, l'utilisation du numérique est bénéfique pour nous.
C'est paradoxal de constater que notre conscience écologique, qui se confronte souvent à des ambiguïtés et aux conséquences de nos choix de vie, ne remet pas en question le numérique. Au contraire, nous sommes constamment exposés à des messages qui vantent la prétendue sobriété du numérique. Celui-ci est présenté comme quelque chose de virtuel, dématérialisé, et implicitement sans impact sur la planète. On nous dit qu'il est économe en énergie et en ressources naturelles, et qu'il est un champion de la durabilité.
Pourtant, il ne faut pas considérer le monde numérique comme virtuel. Chaque morceau d'information, bien qu'abstrait, correspond en réalité à un état observable d'un système physique concret. Afin de protéger cette information, chaque morceau est copié sur plusieurs systèmes ou serveurs, qui nécessitent une grande quantité d'énergie, de métaux et de terres rares pour leur fabrication. Selon le site Statista, il est prévu que 120 zetta octets (soit 120 milliards de tera octets) de données seront créés sur Terre en 2023, et ce chiffre augmentera à 180 zetta octets en 2025. Seulement 10 % de ces données seront nouvelles, les 90 % restants étant des duplicatas.
Après les personnes instruites, ce sont maintenant les influenceurs qui sont impactés.
Le faible coût des données encourage cette attitude de consommation excessive. Aujourd'hui, les données sont produites et utilisées en grande quantité, tout comme l'acier, le charbon, le pétrole ou le plastique. Malheureusement, les messages concernant l'environnement semblent inefficaces face à une surconsommation qui paraît invisible et insignifiante.
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Ainsi, alors que posséder était jusqu'à présent considéré comme un symbole de réussite, le succès est désormais mesuré principalement par la popularité sur les réseaux sociaux et la création de nouvelles données qui contribuent à l'engouement numérique. Les influenceurs prennent le pas sur les intellectuels, la création de contenu et les likes remplacent l'élaboration d'idées, la quantité prime sur la qualité, entraînant souvent une régression générale. Chaque moment doit être capturé numériquement pour exister, ce qui engendre une multitude de métadonnées, de likes, de commentaires, de partages, de recommandations et de statistiques de toutes sortes.
Face à cette question essentielle, à savoir combien de nouvelles données sont réellement uniques et précieuses si 90% des données produites chaque année sont des duplications. Par exemple, notre façon de traiter le numérique est mise en évidence par la surabondance de photos prises pour en choisir une bonne. Qui prend le temps de supprimer les photos ou vidéos superflues ? Quel est le vrai pourcentage d'utilisation des données produites ? Au mieux, quelques pourcents. Et encore moins si l'on ne considère que les données utiles.
Que faire alors de ces informations inutiles qui suscitent l'excitation, qui entraînent l'humanité dans une dépendance collective à produire et consommer un contenu si fade qu'on ne mentionne jamais son support. Les conséquences sociales et écologiques de cette frénésie sont en cours. Combien de temps faudra-t-il avant qu'un gouvernement n'impose une taxe sur les selfies ou un impôt sur les centres de données ? Ou peut-être qu'un budget de données sera alloué à chaque citoyen ?
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Il est important de s'opposer au modèle de fausse gratuité imposé par les géants du numérique, car cela pose un véritable problème. Ce problème ne peut pas être résolu uniquement par des solutions techniques, mais nécessite une revalorisation de la connaissance et une formation à une nouvelle forme de citoyenneté. Il ne s'agit pas seulement de lutter contre une nouvelle dépendance, mais aussi de trouver de nouveaux modes de vie en société qui prennent en compte les enjeux numériques, climatiques et culturels. Le XXIe siècle sera soit collectif, soit il ne sera pas.
Vivien Brunel occupe le poste d'associé en Data & Innovation chez Nexialog Consulting.
Jérôme Deroulez exerce en tant qu'avocat au sein du cabinet Deroulez Avocats.
Vivien Brunel et Jérôme Deroulez sont les auteurs de ce texte
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