Dans son livre le plus récent, Daniel Cohen, qui nous a malheureusement quitté l'été dernier, raconte de manière brillante l'évolution de l'économie au fil des siècles. Il aborde des sujets préoccupants tels que notre relation avec le numérique, le réchauffement climatique et le retour de sentiments négatifs. C'est formidable.
Par moi, Guillaume de Calignon
Initialement, ce texte était destiné à être utilisé comme scénario pour une bande dessinée. L'auteur souhaitait vraiment attirer l'attention des personnes qui ne lisent pas beaucoup, voire pas du tout, et leur offrir la possibilité de comprendre les enjeux économiques majeurs. Finalement, il a été publié en tant que livre, le dernier ouvrage de Daniel Cohen, décédé en août dernier.
Peut-être dans cette tâche éducative, ce professeur exceptionnel en économie, polyvalent et brillant, excelle. Il avait la capacité de présenter de manière magistrale les concepts économiques, politiques et les relations internationales en quelques mots, comme le décrit Esther Duflo, ancienne étudiante et lauréate du prix Nobel d'économie, qui est maintenant professeure au Collège de France, dans la préface. Un autre livre rendant hommage à ce professeur par ses élèves, ses amis et les personnes qui l'ont côtoyé est également publié en même temps.
Cependant, cette « Brève histoire de l'économie » a été créée grâce à sa curiosité extraordinaire et à son désir insatiable de partager ses connaissances, affirme son éditeur Alexandre Wickham. Cela ne peut être plus vrai.
La révolution industrielle et économique est explorée par divers experts tels que les anthropologues, les sociologues et les économistes renommés. Nous commençons ce récit en remontant aux chasseurs-cueilleurs puis aux débuts de l'agriculture. Ensuite, nous passons rapidement à la première révolution industrielle, où le PIB par habitant a peu évolué au fil des millénaires précédents. C'est également à cette époque que le capitalisme émerge et qu'il est découvert que le marché permet d'atteindre une situation proche de l'intérêt général, selon les croyances d'Adam Smith, économiste écossais. C'est ainsi que l'homo economicus voit le jour.
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Selon Daniel Cohen, le marché ne tient pas sa promesse d'être un facteur d'enrichissement universel, mais plutôt le lieu où les classes laborieuses trouvent leur tombeau. Il fait référence aux idées de Karl Marx, qui dénonce les conditions de vie exploitées du prolétariat, de Manchester à Paris, critique la bourgeoisie et sa mentalité égoïste axée sur le calcul. Marx est surtout connu comme le penseur de la dynamique du capital. Grâce aux luttes sociales, le capitalisme a pu évoluer au-delà de la loi de la jungle et devenir plus viable pour la majorité de la population.
La deuxième phase du capitalisme a eu lieu après la crise de 1929, avec l'introduction du New Deal par Roosevelt, et après la Seconde Guerre mondiale, avec la mise en œuvre des politiques économiques préconisées par John Maynard Keynes. Cependant, le compromis social qui avait été formé après la guerre entre les employeurs et les syndicats a été rompu dans les années 1980, laissant place au néolibéralisme, à la mondialisation, à la financiarisation de l'économie et à la désindustrialisation.
Dans une interview, Daniel Cohen met en garde contre le risque de désindustrialisation qui progresse lentement.
En seulement quarante ans, la Chine réussira à sortir un milliard de personnes de la pauvreté, même si elle avait manqué l'opportunité de se développer dans le secteur industriel il y a deux cents ans. À cette époque, la rivalité entre les puissances européennes avait stimulé la croissance économique en Europe, mais la Chine n'en avait pas bénéficié. Cependant, dans de nombreux pays développés, les inégalités augmenteront de manière significative, comme l'a démontré Thomas Piketty, un autre élève de Daniel Cohen.
Dans son livre intitulé "Brève histoire de l'économie", Daniel Cohen raconte l'histoire de la croissance, qu'il qualifie de "religion du monde moderne", un remède aux conflits et une promesse de progrès sans fin qui répond au désir constant de l'homme de vouloir toujours plus.
Selon Daniel Cohen, avec l'avènement d'Internet et des smartphones, nous pensions que la révolution de l'imprimerie de Gutenberg aurait lieu, mais en réalité, c'est Benjamin Castaldi qui nous surprend. Cette déclaration est une punchline propre à Daniel Cohen.
Nous aspirons tous à cette croissance car elle apporte des améliorations dans nos vies et nous libère des souffrances liées à la maladie, aux contraintes de la nature et au travail pénible. Elle favorise également le progrès technologique. Cependant, cette croissance entraîne une pression constante pour être productif, ce qui nous aliène tous en nous obligeant à participer à cette course à la performance. Cela soulève les préoccupations exprimées par l'économiste dont l'ouvrage rend hommage et qui cherchait à changer le monde.
L'émergence récente de l'"homo numericus" est abordée en premier lieu dans ce texte, ce qui avait déjà été discuté dans le précédent livre de l'auteur. La révolution numérique est considérée comme un levier qui permettra à la société de services d'accroître sa productivité. Elle offre la possibilité d'industrialiser la société postindustrielle, ce qui pourrait conduire à une croissance économique dans les pays qui ont été largement désindustrialisés.
Cependant, il sera difficile de tenir cette promesse. Selon Daniel Cohen, avec l'avènement d'Internet et des smartphones, l'attente de la diffusion de la connaissance à travers l'imprimerie de Gutenberg a été remplacée par la présence médiatique de Benjamin Castaldi. Entre l'âge de 13 et 18 ans, les adolescents passent environ 40% de leur temps éveillé devant un écran, mais ils ne consacrent pas ce temps à la lecture de «La critique de la raison pure» de Kant. Il a été démontré que l'absence de Facebook pendant un mois réduit l'anxiété et les symptômes dépressifs chez les individus.
Un phénomène préoccupant pour Daniel Cohen est le réchauffement climatique. Pour résoudre ce problème, une coopération mondiale est nécessaire. Cependant, selon les recherches de l'anthropologue Jared Diamond, le professeur d'économie rappelle l'exemple de l'île de Pâques où le dernier palmier a été abattu en 1400. Il explique que la rivalité entre les tribus a empêché une gestion collective rationnelle des ressources naturelles. Aucune tribu n'était prête à abandonner la course, de peur que cela ne renforce la puissance des autres tribus. Toute similitude avec des événements et des personnes réels serait purement fortuite.
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L'auteur exprime sa crainte quant au fait que, malgré les avancées technologiques, le bonheur stagne voire régresse dans les sociétés riches. Il affirme que ces sociétés sont inévitablement rattrapées par la frustration lorsque la croissance économique ralentit. Dans ce livre sur la condition humaine, cet intellectuel éclectique, parfois mélancolique mais jamais désespéré, nous déclare que l'envie prend le dessus sur d'autres valeurs, et que le populisme, qui est un phénomène lié aux passions tristes, gagne en importance. Il conclut en disant qu'il est essentiel de ressentir non seulement de la tristesse face à un monde en déclin, mais aussi de la joie pour un monde possible. Il est indéniable que nous avons encore besoin de Daniel Cohen.
Daniel Cohen a écrit un livre intitulé "Une brève histoire de l'économie" qui est publié par les Editions Albin Michel. Ce livre compte 176 pages et est vendu au prix de 19,90 euros.
Un groupe d'auteurs.
"L'économiste Daniel Cohen et son ambition de transformer le monde"
Publié par les Editions Albin Michel, ce livre comprend 222 pages et coûte 19,90 euros.
Personne: Guillaume de Calignon
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