Dans son livre intitulé "Le pouvoir des marques dans la construction de l'identité nationale", Raphaël Llorca, essayiste et expert en communication, analyse comment les marques ont pris le contrôle de la narration nationale qui est en crise.
Par moi, Virginie Jacoberger-Lavoué
Les marques ne se contentent pas d'influencer la scène internationale. Dans son livre intitulé "Le roman national des marques, le nouvel imaginaire français", Raphaël Llorca, essayiste et communicateur, explique comment les marques, après avoir influencé les identités individuelles, tentent maintenant de redéfinir les identités collectives et deviennent les "architectes invisibles" des imaginaires politiques.
D'après l'auteur, qui est cofondateur de l'observatoire Marques, imaginaires de consommation et politique à la Fondation Jean-Jaurès, le monde du commerce cherche à imposer sa vision du pays. Les marques ont pris le contrôle du "roman national", qui était traditionnellement élaboré par le pouvoir politique et enseigné à l'école, mais qui est actuellement en déclin. Les entreprises telles que Renault, SNCF, Leclerc, Ikea et Netflix ne se contentent plus d'influencer "l'origine commerciale de notre imaginaire collectif" que Roland Barthes avait déjà identifiée, mais elles exercent également leur pouvoir sur les liens sociaux qui nous unissent. Ces marques ont profité du vide laissé par les politiques.
Jusqu'à présent, le phénomène, qui ressemble à une privatisation de l'histoire nationale, était passé inaperçu. Comme Cécile Cornudet l'a récemment souligné dans une chronique pour « Les Echos », le livre publié mi-septembre a suscité un vif intérêt chez Emmanuel Macron. Raphaël Llorca met en garde : "Il incombe aux acteurs politiques de prendre conscience de l'entrée de ces nouveaux acteurs sur le marché de l'imaginaire politique".
Extraits
L'influence des identités collectives
« Aujourd'hui, qui influence nos idées collectives ? […] De nombreuses marques de grande consommation, dans tous les secteurs, ont commencé à promouvoir leur propre vision du pays. »
L'influence des marques
Il est souvent courant de ne présenter que les aspects négatifs et sombres de l'influence des marques, en soulignant leur utilisation à des fins commerciales, leurs mensonges et leurs manipulations. Bien que ces critiques soient justifiées, essayons de mettre en lumière un aspect plus positif : le rôle des marques dans le renouvellement de l'engagement quotidien évoqué par Ernest Renan. En utilisant la France comme sujet de discours et en devenant de nouveaux acteurs dans le récit national, les marques ouvrent la possibilité de s'adresser à des publics qui étaient auparavant exclus de cette conversation.
Aux États-Unis, les marques comme contre-pouvoirs ?
« En 2016, l'élection de Donald Trump a marqué une nouvelle étape dans l'implication politique des marques américaines. Elles ont su profiter de la disparition du parti démocrate, déconcerté par une défaite qu'il n'avait pas prévue […]. Dans un espace public américain traditionnellement polarisé, il y a soudainement eu un manque d'émetteurs puissants et crédibles pour défendre la vision progressiste de l'Amérique : c'est dans ce vide politique et médiatique que plusieurs grandes marques américaines ont pris position pour devenir de véritables contre-pouvoirs. »
Livre:
Raphaël Llorca
L'histoire des marques nationales
Publié par les Editions de l'Aube Fondation Jean-Jaurès, 384 pages, au prix de 24,90 euros.
Le compte Twitter appartient à Virginie Jacoberger-Lavoué.
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