Dans le domaine de l'agriculture, Frédéric Cherbonnier soutient l'idée de combiner à la fois des taxes et des normes afin de réguler efficacement ce secteur. Il propose également d'accorder une importance significative aux taxes environnementales, dont les revenus seraient réinvestis dans le secteur agricole.
Selon Frederic Cherbonnier, qui est à la fois professeur à Sciences Po Toulouse et chercheur à Toulouse School of Economics, il est important de noter que…
La crise actuelle dans le secteur agricole soulève plusieurs interrogations, dont l'une concerne les réglementations mises en place pour préserver l'environnement. Les spécialistes en économie ont tendance à favoriser l'application de taxes, en appliquant le principe du pollueur-payeur.
Il est probablement préférable de fusionner les deux outils, mais les standards sont souvent peu efficaces en raison de leur rigidité et de la manipulation par les groupes d'intérêt. L'agriculture française en est un bon exemple. Elle est pratiquement exemptée de toutes taxes environnementales, mais bénéficie de subventions considérables, qui sont en partie conditionnées à des normes.
Les agriculteurs expriment leur mécontentement, mais ces mesures se sont avérées peu efficaces car elles n'ont entraîné que de légères améliorations au cours de la dernière décennie. Il n'y a eu aucune amélioration concernant l'utilisation de pesticides et une diminution très légère des émissions de gaz à effet de serre, principalement due à une baisse d'activité.
Une des raisons de la révolte actuelle est liée à la nouvelle réforme de la politique agricole commune qui exige que 25% des aides directes soient conditionnées par l'adoption de pratiques respectueuses de l'environnement.
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Il est possible que le gouvernement, dans sa précipitation à apaiser les tensions actuelles, abandonne cette avancée ou en diminue l'importance. Une fois de plus, les lobbys ont réussi à entraver la mise en place de normes ! De plus, si l'agriculture française était considérée comme n'importe quel autre secteur, elle devrait payer plus de 10 milliards d'euros par an en taxes environnementales pour les dommages causés au climat et à la santé humaine.
Elle ne paie pas d'impôts et reçoit plutôt une somme presque équivalente sous forme de subventions, qui représentent près de 75% du revenu des agriculteurs. Il n'y a aucune raison valable pour un tel système. Le seul argument avancé, la souveraineté alimentaire, semble très fragile car il empêche la préparation de ce secteur aux changements à venir.
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Focalisons notre attention sur l'un des aspects importants de la problématique environnementale : les produits provenant des animaux. En France, leur consommation est responsable de 13 % des émissions de gaz à effet de serre. La production de ces produits est la principale cause de la diminution de la biodiversité à l'échelle mondiale et la principale source de particules fines dans les pays développés (ce qui entraîne la mort de près de 50 000 personnes par an en France).
La majeure partie de l'agriculture en France est axée sur la production de ces produits. Près de 60% des terres agricoles françaises sont utilisées pour l'élevage du bétail.
Cette situation deviendra de plus en plus difficile à gérer car la population est de plus en plus consciente des problèmes environnementaux, et des alternatives sérieuses (comme les viandes végétales et cultivées) sont apparues à l'étranger mais négligées par notre industrie. De plus, cela crée une dépendance car l'élevage nécessite l'importation de céréales et d'engrais.
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Devant cette possibilité, il semble inutile de lier les aides de la politique agricole commune à certaines conditions. Il serait plus judicieux d'admettre que l'avenir de l'agriculture française ne se limite pas à l'élevage animal et de mettre en place progressivement des taxes environnementales sur les carburants et les animaux d'élevage (ou la consommation de viande).
Pour éviter de répéter l'erreur qui a été commise par le gouvernement en 2018 et qui a donné lieu au mouvement des « gilets jaunes », il est proposé que les sommes collectées soient reversées au secteur agricole afin d'offrir une protection sociale aux agriculteurs (dont 18 % sont en dessous du seuil de pauvreté). Cette aide leur permettrait de changer leur mode de production et de faire face aux fluctuations des prix.
Il est probable que cette proposition ne soit pas prise en compte aujourd'hui, ce qui démontre à quel point le débat actuel ne tient pas compte des enjeux à long terme.
Frédéric Cherbonnier occupe le poste de professeur à l'école Sciences Po Toulouse et il mène également ses recherches à Toulouse School of Economics.
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